La petite sirène
Avis aux lecteurs : écrit totalement superflu
Ca fait longtemps que je n’ai pas écrit "normalement". Ca fait longtemps que j’ai quitté la vie "normale" en général.
Je suis toute perdue, je le répète jour après jour, mais je ne me retrouve pas…
J’ai envie ce soir d’écrire longtemps ici, parce que j’en ai pris l’habitude, parce que c’est plus facile que de prendre un papier et un crayon.
J’ai envie ce soir d’essayer de comprendre où j’en suis, en écrivant, en écrivant toute la nuit s’il le faut.
Déja, j’ai pas envie de la retrouver, la vie "normale". Parfois, je me dis "Allez ! Tu vas y retourner, tu vas réussir, ce sera comme avant, ni meilleur ni pire, tu oublieras tes doutes, tes peurs...".
Mais je sais que c’est faux, au fond. Je n’en suis plus capable, je crois. C’est terrible : je sais parfaitement ce que je ne veux pas, mais je ne sais pas ce que je veux.
Je ne sais pas où aller, que faire. Recommencer, ailleurs ? La même misère, trimer pour payer ses impôts et bouffer ? Sans but, sans espoir, sans soutien ?
Bien sûr, je pourrais y arriver, je peux si je veux. Mais voilà, je ne veux plus parce que tout ça m’apparaît dénué de sens.
Alors, oui, je veux bien tout envoyer chier comme me le conseille ma soeur, plutôt qu’avaler d’un coup tous les putains de cachetons que je collectionne au lieu de les avaler pour soi-disant me "soigner".
Mais le coup du nouveau départ, je n’y crois guère non plus. Une nouvelle vie va surgir, comme ça, de nulle part ?
Faut pas rêver, je vais pas non plus me réincarner du jour au lendemain et devenir une personne exceptionnelle, à qui tout sourira, sans efforts…
Non, je vais continuer à traîner ma carcasse de fille commune, trop gentille, et incapable de communiquer normalement.
Ce sera toujours la même gueule que je verrai dans le miroir, les mêmes pensées en boucle dans ma tête, le même calvaire d’être moi.
Ce n’est pas ma vie, c’est moi que je ne supporte plus.
Je ne vois pas comment arranger ça. Je suis d’ailleurs probablement bien trop nulle pour trouver la solution, si elle existe.
Ce qui me terrifie et me dégoûte encore plus, c’est ce que peuvent parfois me dire les autres de positif sur moi. Je sais bien qu’objectivement ils ont raison : rien ne cloche en apparence.
Et je me sens comme la petite sirène : on m’a donné de jolies jambes pour pouvoir marcher, mais je ne peux plus parler et tout est faussé. Je suis exactement comme la petite sirène : tout devrait aller, mais ça ne va pas.
Et toutes les conneries que je peux trouver pour me distraire de ça ne sont pas suffisantes. C’est bien beau de dire : je veux être amoureuse, je veux de l’amour, etc. Mais tout ça, c’est du vent.
J’oublie l’essentiel : qui peut m’aimer telle que je suis ? Personne, tout simplement, c’est impossible. On peut apprécier mon corps, ou telle chose que je vais faire ou dire, mais l’ensemble, la totalité de moi, personne ne le peut, parce que je suis difforme et monstrueuse et que même les monstres ne s’aiment pas entre eux.
Ceux qui me disent "Tu es jeune, tu as toute la vie devant toi!", ils ne savent pas, eux. À quoi bon me mentir ? Ca ne s’arrangera pas, maintenant.
Et puis même ça : coucher mes états d’âme, là, à quoi bon ?
La soeur vient d’appeler. Ne pas pouvoir réfréner mes larmes en entendant sa voix. Ma véritable mère. Ne plus pouvoir cacher la vérité. Et pourtant, tellement honte devant elle; elle qui traverse toutes les épreuves sans jamais faiblir, elle qui est moi exactement, en réussie. Moi je suis son revers, l’exemplaire raté, je ne voudrais pas de sa compassion, je voudrais au contraire lui donner de la force.
Et pleurer, encore…
Dire que je n’y arrivais pas, il y a si peu de temps. À présent, je suis une vraie madeleine, comme si toutes les larmes de toutes ces années ressortaient.
Et elle me dit "Fais pas de bêtises", sans même savoir… Et quand je lui demande si l’autre soeur a parlé, l’entendre me répondre "Non, mais tu ne pleures jamais d’habitude." Et me sentir soulagée que quelqu’un me connaisse, me reconnaisse enfin, que quelqu’un, enfin, sache que si je pleure ainsi, ce n’est pas rien. Et son "fais pas de bêtise" me soulage aussi, parce qu’elle sait, elle sait de quoi je suis capable dans cet état et il me rappelle qu’on en est déja passé par là, que je suis déja passée par là et que j’ai surmonté. Elle me dit "Pars pas" parce qu’elle sait aussi, que d’une manière ou d’une autre, ça a toujours été ma solution, me barrer.
Et finalement le suicide est-il autre chose que la désertion suprême ? Un méga bras d’honneur à la vie et à tout le reste ?
Je suis si fatiguée, sur tous les plans.
J’ai réfléchi aussi tout à l’heure au polichinelle, et en fait, il m’écoeure : c’est dégueulasse de se conduire comme ça, de profiter de ma faiblesse. En temps normal, il se serait pris un pain dans la tronche depuis longtemps, et si je le recroise d’ailleurs, ce sera carrément un bon coup dans les burnes. C’est qu’une petite vermine prête à tout pour satisfaire ses appétits étriqués, un pauvre zonard avec le qi d’un poisson rouge et le coeur d’un requin blanc.
Dans les contes de fée, les gentils désespérés rencontrent une gentille fée qui les aide à gagner ce qu’ils méritent. Mais dans ma vie, il n’y a que de vilaines sorcières.
De toutes façons, dans La petite sirène, il n’y a pas de fées, et la petite sirène elle va se tuer dans la mer, si je me souviens bien, elle se jette dans la mer et elle devient écume…