Sous la surface

Tapez zéro

Ca fait longtemps que je n’ai pas écrit ce que j’ai vraiment sur le coeur. Se censurer sur son propre journal n’est pas une situation très conventionnelle. J’avais tout d’abord pensé à poster un écrit intitulé "Star Académy", où j’aurais simplement écrit :

-Pour Mr Savoie, tapez 1
-Pour mon homme à moi, tapez 2
-Pour les deux, tapez 3

Mais non, je ne vais créer un journal-réalité, où ma vie serait interactive. Je ne suis pas un personnage de fiction issu d’un "Livre dont vous êtes le héros".

Je suis simplement une femme, de moins en moins jeune, mais jeune encore j’espère, qui doit faire face à la vie et ses surprises, qui doit faire ses propres choix car elle a la chance de pouvoir choisir.

Je ne suis pas aussi légère et aussi cynique que je peux parfois en avoir l’air. Je ne suis pas aussi égoïste que je le dis.

Aujourd’hui, ce soir, je sors d’une journée difficile. Difficile physiquement, mais surtout humainement. Aujourd’hui encore, comme tant d’autres fois avant, j’ai dû faire face à la détresse d’autres personnes, à leur souffrance, à leur mal-être. Je n’ai jamais demandé à faire ça, je savais que je n’en serais pas capable. Pas assez solide émotionnellement. Mais pourtant je dois le faire. Je n’ai pas le droit, en mon âme et conscience, de leur tourner le dos, de les laisser sur le carreau. Il y en a trop qui les laissent sur le carreau, à commencer par ceux qui devraient réellement s’occuper d’eux.

Je sais ce que c’est d’être laissée sur le carreau. Je sais ce que c’est de voir sa famille s’en foutre, ou de n’avoir pas le temps, ou d’être incapable de tendresse et d’écoute. J’y ai eu droit aussi.

Aujourd’hui, j’ai les armes qu’il faut pour me battre, pour ne plus en pleurer ou presque plus. Mais eux n’en sont pas encore là.

Et moi ?

Et moi après ça ? Après ce genre d’épreuves qui me renvoient toujours à moi-même, à mon passé…

Et moi, j’ai quoi après ça ?

Mon homme à moi, il a tout ce qui compense ce genre de choses : amis, famille, putains d’attaches vieilles de trente piges que je n’aurais jamais.

Mon homme à moi, il ne sait pas et il ne saura jamais ce que c’est que d’être perdue comme je le suis ce soir, seule comme une naufragée, isolée, blessée, usée…

Une conversation sur msn qui tourne court à cause de problèmes de connexion, qui aurait dû suffire à lui faire comprendre s’il le pouvait, et à m’appeler pour ne pas me laisser seule. Mais il ne peut pas comprendre. Et je ne lui en veux pas. Je ne lui en veux plus.

En revanche, je lui en voudrais si à cause de lui, je devais renoncer à tout réconfort, à ce que je ferais s’il n’existait pas, aux armes que j’ai acquises pour me maintenir en vie, et forte.

Alors comme Mr Savoie est de retour, je vais faire ce que j’hésitais à faire encore ce matin : je vais le rappeler.

Je vais faire ce que je sais devoir faire pour ne pas lui en vouloir, pour rester celle qu’il aime, la forte, la dure-à-cuire, la sûre d’elle et en même temps la souriante, la vivante, l’enthousiaste.

Je vais me donner ce dont j’ai besoin pour tenir : un dérivatif à mes idées noires, un soutien à la petite fille qui pleure toujours au fond de moi, la petite fille qui veut l’attention de ses parents et qui trouve, au bout du compte, celles des hommes, les bras des hommes, les mots des hommes, la tendresse des hommes, la cruauté des hommes.

N’importe quoi, pourvu qu’on me voie, que je me sente exister sous le regard d’un autre.

Oui, n’importe quoi, pourvu que j’existe, comme ceux qui viennent se confier à moi veulent exister aux yeux de quelqu’un. Comment pourrais-je leur refuser ce regard que d’autres leur refusent, ce regard que je n’ai pas eu ?

Oui, tout comme cet enfant qui s’est tourné vers moi tant il est désespéré, je vais me tourner vers cet homme.

Et comme ça je vivrai.

Et comme ça je vis, depuis de longues années déja…