Des choses qui me sont interdites
Il y a des combats qui sont perdus d’avance.
Des combats désespérés.
Pour autant, je ne refuse pas de les mener. Je me bats quand même, jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’à ce qu’il n’y ait plus d’espoir, jusqu’à ce que tout soit terminé.
Et pourtant, j’aime ces combats, la lassitude qu’ils laissent derrière eux, l’humilité qu’ils apprennent. L’obligation qu’on a de se dire après : "Je n’ai pas pu, je n’étais pas assez fort", et l’obligation d’accepter cette impuissance.
Et pourtant, j’aime ces combats, parce que le temps qu’ils durent, on croit que l’impossible est possible, à force d’acharnement. On croit aux miracles, pour un temps.
Pour un temps seulement.
Avant d’admettre que le miracle n’aura pas lieu cette fois.
Ce soir, voir un jeune homme annoncer qu’il va être papa. Être sa confidente providentielle, alors que je ne le connais presque pas. Nous nous croisons au boulot des fois, c’est tout.
Être fascinée par ce sourire incroyable dessiné sur son visage. Il sortait juste de la première échographie…
L’écouter parler de sa chérie, de leurs projets. Ne pas comprendre son bonheur, ce bonheur qui m’est inconnu, et qui le restera probablement toujours.
Me demander, vraiment, ce qu’il peut bien ressentir, penser, quel désir est à ce point comblé pour qu’il soit si béat.
Non, je ne connais pas ce désir-là. Les enfants… Cela me semble dans l’ordre des choses d’avoir des enfants et si je le fais un jour, ce sera pour m’inscrire dans cet ordre, par convention. Je crois. Ca peut changer, évidemment.
Qu’est-ce que je ferais d’un enfant ? Que lui donnerais-je ? Oh, de l’amour, ça c’est sûr… Mais et après ? Vers où l’emmenerais-je ? Je me sentirais bien encombrée…
Alors, j’ai pensé à ce jeune homme toute la soirée en me disant que j’aimerais tellement comprendre, savoir… mais que toute cette partie de la vie m’était interdite, qu’elle me restera cachée et obscure. En échange de quoi, j’ai reçu bien d’autres connaissances, mais apporteront-elles un jour ce sourire sur mon visage ?
Il y a des combats qui sont perdus d’avance.
Dans la nuit de dimanche, quelque chose s’est brisé en moi, comme au mois de mai. Comme au mois de mai, j’ai vu en face de moi une blessure similaire à la mienne. Et tout le monde sait (moi en particulier) que deux perdus ne font pas un trouvé.
Bien sûr, je me dis qu’un miracle aurait été le bienvenu dans cette période un peu sombre…
Mais les miracles n’arrivent que lorsqu’on y croit vraiment, et là, une phrase que C. m’a répété encore et encore s’impose à moi comme une évidence, cette putain de phrase qui me rendait folle de rage : "De toutes façons, tu n’y as jamais vraiment cru."
Et le pire, c’est qu’il avait raison.
Et là encore, c’est ça : je n’y ai jamais vraiment cru…
C’est ce que j’ai compris dimanche. Et c’est pour ça aussi que je tourne cette page.
Il y a des combats qui sont perdus d’avance.
Ils ont l’avantage de ne nous faire prendre aucun risque et de ne pas nous pousser à nous aventurer dans la vie
Du côté des choses qui nous sont interdites.