Sous la surface

Jusqu'à ce que mort s'ensuive...

J’ai longtemps cherché la chanson qui devrait accompagner cet écrit… Et puis bien sûr… "With or without you" de U2… Pourquoi chercher au-delà de l’évidence?

Et merde !

Partagée entre une immense mélancolie (en écoutant "Mistral gagnant", pas étonnant...) et une aussi immense excitation.

Demain, je pars…

Pas encore pour de bon, mais presque.

Ma nouvelle vie commence enfin. Il est temps, à présent, de relever la tête, se tenir bien droite, inspirer à fond… et jouer la comédie !

Demain matin, j’entre dans mon rôle.

Dans ce nouveau chapitre de ma vie, l’homme de mai sera le trait d’union, le gardien de ma mémoire. Il sera le seul qui saura qui j’étais, avant. Mon point fort et mon point faible.

Alors, je n’ai plus le temps de me lamenter et de rêvasser… J’aimerais pouvoir le savourer, mon secret. J’aimerais pouvoir le regarder sous toutes les coutures, l’étudier, l’analyser, le disséquer, mais je n’en ai pas le temps. Et c’est tant mieux. C’était sûrement fait exprès, parce que je crois que j’aurais pu en devenir folle, j’aurais pu aller au-delà des limites, j’aurais pu la franchir à pieds-joints cette foutue ligne. Putain de transgression !

Mais non. On renferme toutes ces jolies idées désastreuses dans un carton. On ne réfléchit pas. Levée très tôt demain matin, en retard dès ce soir, rien de prêt. Tout pour ne pas penser. Tout pour ne pas penser. Tout pour ne pas penser.

Sauver sa peau. Glisser comme une anguille. Mentir aux autres comme à soi-même. "Je suis heureuse. Je suis heureuse. Je suis heureuse."

Ne surtout pas penser. Se mentir. Je ne fuis rien. Je n’ai jamais rien fui. Ne surtout pas penser. Se déguiser. Je suis tellement heureuse.

Muette comme une tombe. Je serai muette comme une tombe. Et lisse comme un miroir.

Je n’ai rien à l’intérieur de moi. Je n’ai rien à l’intérieur de moi. Je n’ai rien à l’intérieur de moi.

Je suis si parfaite. Regardez comme ma vie est parfaite. Je suis un sourire plaqué sur un visage. Je suis calme. Ma vie est si parfaite. Regardez comme je suis heureuse. Je n’ai rien à fuir. Je viens rejoindre l’homme que j’aime. Nous aurons des enfants et nous serons heureux. Si parfaitement heureux.

Je n’ai rien à fuir. Avant il n’y avait rien. Avant c’était le vide. Je suis née avec lui. Je suis née ici. Avant je n’existais pas.

Surtout ne pas penser. Surtout ne pas penser. Surtout ne pas penser. Mentir. Je suis tellement heureuse.

Levée très tôt demain. Le premier jour de ma nouvelle vie. Ma naissance. Très tôt demain sourire. Il n’y a rien à l’intérieur de moi.

Il n’y a rien sous la surface. 

Il faut parfois se trahir pour conserver une apparence de bonheur. Et je me fous pas mal que l’on me juge pour ça aussi. Parce que je sais très bien que si j’étais vraie, je n’aurais rien. Si j’étais vraie, je foutrais tout en l’air, je ferais du mal à tout le monde, à commencer par moi. Si j’étais vraie, je serais rejetée, seule plus que je l’ai jamais été. Si j’étais vraie, je serais malheureuse, et je n’aurais rien.

Je n’aurais rien. Même pas ce pour quoi j’aurais tout balancé.

Alors, non. Je ne vais pas faire la fine bouche et me dire "Oh, comme c’est triste et comme c’est lâche de vouloir toujours faire semblant!"
Ca, c’est bon pour les gens biens. Les gens fidèles à leurs principes, parce que leurs beaux principes sont ceux de la majorité du moment, ou les principes à la mode.
Non, je ne fais pas la fine bouche. Je fais ce qui est le mieux pour tout le monde en général, et pour moi en particulier.

Et puis, mon coeur n’appartient qu’à moi.
Et j’ai au moins ça, parce que quand même, très très très loin sous la surface, moi je sais la vérité.

Et personne ne viendra me l’enlever.