Sous la surface

Un jour de plus sur cette foutue planète

Je pourrais me lamenter des siècles sur l’état merdique dans lequel je me traîne, mais à quoi bon ? J’en ai l’habitude. C’est même une bonne chose de l’accepter. Je sais que ça va partir comme c’est venu. J’ai bien fait de savourer mon "état de grâce" en début de mois.

J’ai commencé à prendre hier des médocs à base de plante contre la "déprime légère et passagère". On va dire que je fais une déprime "légère et passagère"...

Hier, je ne suis pas allée bosser. C’était une décision calme et consciente. La sensation en me levant que je n’allais tout simplement pas être capable de tenir. Pas de médecin, pas de justificatif aujourd’hui : vont bien venir m’emmerder par dessus le marché, ces connards !

Donc, hier, j’ai dormi. Huit heures… Oh, le joli petit symptôme de dépression ! Mais pas l’envie de lui laisser prendre le dessus, à cette maladie de merde. Pas question. D’où les médocs. D’où retour au taf aujourd’hui.

Je ne sais pas quoi faire d’autre pour l’instant. Si : je relis mon horoscope qui m’avait prédit une année mortelle. Ca donne de l’optimisme.

Et puis je mate des films. Après tout, il est juste question de faire passer le temps plus vite…

Je suis vraiment dans le creux d’une putain de vague, là. Mais tout ce qui monte redescend, et inversement, c’est bien connu.

Dans un autre registre, le polichinelle a essayé de m’appeler hier soir.

J’en ai parlé à cette fille du boulot avec qui je sors des fois. Elle me dit qu’il doit m’aimer. C’est la troisième fille qui me dit ça. Elles disent que les hommes d’ici aiment comme ça, quand ils ne se sentent pas à la hauteur… Ils "maltraitent" celle qu’ils aiment, et chouchoutent les autres. "Il ne s’affichera jamais avec une autre devant toi, il ne te dira jamais que c’est fini, il n’admettra jamais qu’il en voit d’autres… mais il ne s’engagera jamais non plus avec toi, pas avant longtemps en tout cas, il veut voir si tu l’attends."

C’est peut-être vrai, mais ce n’en est pas moins super nul…

Bref, j’ai pas envie de le rappeler. C’est pas le moment de venir m’emmerder pour lui non plus.

En revanche, j’ai essayé d’appeler mon homme à moi. Qui n’était pas chez lui. Qui ne m’a pas donné de nouvelles depuis que je l’ai appelé il y a quinze jours. Qui est encore plus con qu’avant apparemment. Qui voulait juste, encore une fois, que moi je vienne vivre où il vit, que moi je fasse tous les efforts, que moi je m’aligne sur ses désirs et ses rêves, que je devienne enfin la petite créature docile qu’il a toujours voulu faire de moi… Il est vraiment trop con. Comme si j’avais pu m’adoucir avec l’âge, avec ce que j’ai vécu en plus ! Enfin, je veux juste l’entendre me dire certaines choses, admettre certaines choses, comme par exemple qu’il ne m’aime pas, moi, mais la jolie petite poupée qu’il croit pouvoir façonner à partir de moi. N’aime-t-il autre chose finalement que mon cul et mes seins celui-là encore ?

Je suis aigrie, m’a-t-on dit aujourd’hui. Oui c’est vrai, je suis aigrie. Mais malheureusement j’ai de quoi. Et effectivement, je ne rêvais pas de devenir une grosse bonne femme aigrie à seize ans, mais il faut croire qu’ils ont eu raison de moi, tous, cette société de merde, avec ses règles de merde. Ils m’ont bien écrasé la gueule, ils l’ont bien mise au pas, ma révolte.

Mais je n’ai pas à en avoir honte, ils en ont eu des bien meilleurs que moi. Comment j’aurais pu réussir là où il a échoué ? Alors place à sa parole :

"Et au dernier moment, j’attaquerais à gauche, à droite(...)" De mémoire, ce n’est pas exact. Mais sa rage en mon coeur l’est, exacte. Père Rimbe, ils t’ont eu avant moi… Je savais bien que je finirais comme toi : seule et amère, à trimer sous un soleil de plomb, à économiser chaque centime dans l’espoir d’une seconde chance. Mais on ne l’a pas, cette seconde chance, n’est-ce pas ? On se pète juste un putain de cancer à quarante piges qui nous expédie dans l’autre monde. Alors à dans dix ans mon ange.