Plus de traces
J’ai envie d’écrire ce soir.
J’ai envie de lâcher prise, de m’abandonner.
Depuis presque un mois, je m’impose une discipline assez stricte. J’essaie de contrôler mon corps comme j’ai, auparavant, essayé de contrôler mon esprit. Je le sens déja, parfois, s’affermir, même si ce n’est pas visible à l’oeil nu, et encore moins au centimètre, qui affiche désespérément les mêmes mensurations.
Mais je suis déterminée.
Ce que je ne pourrai jamais contrôler, ce sont les autres, qui s’obstinent à me décevoir, à me mentir, à m’agresser.
Tant pis. Je n’ai plus l’illusion de les changer, ni l’ambition de les comprendre. Je m’en fous. C’est à moi de changer. Et je m’y efforce.
Me contrôler. À cent pour cent.
J’ai l’impression seulement maintenant de guérir. De tout ça. Ce "tout ça" anonyme, ce fardeau secret que j’ai porté seule. Dont je me suis relevée seule. Par ma seule volonté. Je sais bien que j’encaisserai d’autres coups, plus durs. Alors dans cet espace de répit que la vie m’accorde, je veux me préparer. Endurcir mon corps comme mon esprit.
J’ai accordé trop de choses à mon corps ces derniers temps. Une façon de permettre à l’esprit de résister. Se raccrocher à des petits plaisirs presque animaux, pour se sentir en vie. Et ça a marché…
Ce soir, pourtant, j’ai envie de m’abandonner. De m’envoyer un bon paquet de ces bonnes graisses sucrées dont je raffole. Et puis de me recroqueviller dans mon lit avec un bon bouquin.
Dans ma boîte aux lettres, il y avait un avis de passage. Un recommandé. Encore une trace du passé qu’il va falloir faire disparaître. Symbolique, certes, mais si importante pour moi.
J’aimerais tant pouvoir le prendre pour ce que c’est : juste un truc matériel. Et expédier cette corvée, sans état d’âme.
Mais je sais bien que ça va être un moment difficile pour moi. Et que je vais chialer, chialer encore ces putains de larmes qui n’arrivaient pas à sortir en février 2007. J’en avais tout un stock, il aura été dur à écouler.
Il y a environ un mois, en rangeant des affaires, j’ai retrouvé tout un tas de papiers que je ne savais même plus exister. Des factures. De l’époque. J’en ai pleuré une heure. Je les ai épluchées, me remémorant tout, chaque geste, chaque occasion. J’ai fini par tout balancer. Sauf une. Tout en me disant que j’étais bien conne, parce que je pleurerai sûrement à nouveau la prochaine fois que je retomberai dessus.
Bref, ce soir, si j’ai envie de lâcher prise, c’est simplement parce que le passé, encore, vient frapper à ma porte.
Mais il arrivera bien un jour où il n’y aura plus aucune trace.
Il arrivera bien un jour où je pourrai me convaincre que j’ai seulement rêvé tout ça.
Il arrivera bien un jour où je pourrai dire que, vraiment, vraiment, il ne s’est rien passé.