Sous la surface

All the things...

Je ne sais plus pourquoi je l’ai appelé, le manque, probablement.

Il me manque tellement à cet instant précis que j’aimerais l’avoir pour moi, pour moi toute seule, un jour ou deux. Tout le monde aimerait l’avoir pour soi tout seul, il est juste génial. Mais c’est bien égoïste comme souhait.

Il n’est plus là pour me protéger et c’est tant mieux. Maintenant je suis assez forte pour veiller sur moi.

Et ces crises de rire, elles sont si rares désormais. Qui me ferait rire ainsi ?

Mais quand on rit, on pleure aussi, alors…

Il me comprend. Je me souviens.

Je me souviens d’un soir, sur le banc étroit, son bras autour de mes épaules. Il faisait déja nuit.

Je marche toujours avec ma cicatrice que je voudrais invisible. Elle l’est, probablement, pour ceux qui ne m’ont pas connue avant.

Je suis assise, en équilibre, et je regarde vers le bas. Sous les nuages, je distingue quelque chose.

J’ai changé.

J’ai déja eu cette impression, il y a quelques années. Quel âge j’avais ? Dans les 21-22 ans environ. Et puis tout s’est transformé, encore, sans que je m’en aperçoive.

Parfois, les choses se précipitent.

Parfois, on ne contrôle plus rien parce que tout va trop vite.

Et puis, à d’autres moments… on a le temps de regarder, de réfléchir.

Ce soir, j’ai lu ceci :

"De telles nuits vous forgent un homme. Lui bricolent une légende, du merveilleux, qu’il pourra à tous moments de sa vie exploiter. Encherchant bien, et même sans chercher, nous avons tous quelque chose de formidable à raconter sur nous-mêmes. Un passé mythique qui justifie l’inconséquence de notre présent. Que notre interlocuteur soit le bon et nous voilà à narrer ces riches heures de notre existence, à faire d’un petit rien une grande histoire, avec un conflit, des rebondissements et une résolution."

Forcément, c’est une femme qui a écrit ces mots.

Forcément.

Le problème avec les hommes, c’est qu’ils sont tous tellement médiocres que le premier qui sort un tant soit peu de cette médiocrité me semble extraordinaire. Alors qu’il n’est qu’ordinaire, juste un peu moins raté que les autres…

C’est pour ça que je préfère ceux qui sont totalement ratés : ils sont plus faciles à trouver que les génies, et au moins ont-ils accomplis leur destinée de pourritures…

Finalement, les femmes ne valent guère mieux.

Les hommes, étant par essence plus imparfaits, sont, il me semble, plus enclins à pardonner, à comprendre. Ou sinon ils vous massacrent. C’est tout l’un ou tout l’autre.

Moi aussi, je suis tout l’un ou tout l’autre. Qu’on m’aime ou pas n’a plus aucune importance à mes yeux. À quoi m’a servie jusqu’à présent d’être aimée ? C’est toujours ceux qui m’ont aimée qui m’ont fait souffrir.

Il me manque.

Comme tant d’autres, engloutis à jamais par la vie, le temps, la distance.

Ca ne se répare pas, ça se rafistole.

Sous les nuages, les formes vont et viennent. Des bribes de voix. Tellement de monde, là-dessous ! Mais si je me penchais, tout disparaîtrait.

Comment dit-il déja, cet autre qui dit si bien ce genre de sentiment ? Que le passé est comme une vitre embuée ? Quelque chose comme ça…

Et le présent, qu’en est-il ?

Je fais table rase. Je souffle un ouragan sur ma vie. Une destruction méthodique, qui s’accélère. Rien ne résistera de ce grand ménage.

Une intruse, je suis juste une intruse.

All the things that I never had