Sous la surface

Ca tourne mal

Comment leur dire que parfois j’ai besoin de rester dans l’obscurité ? L’obscurité et le silence.

De rêver, de m’évader.

Que je ne suis pas de ce monde, que je viens d’ailleurs sans savoir d’où.

Que ça me manque.

Je ne parviens plus à prendre les gens comme des poupées et à les façonner à mes besoins. Ils m’ont tellement déçus qu’ils ne m’intéressent même plus. Et puis j’ai répété le simulacre tant et tant de fois que je n’arrive même plus à me tromper moi-même.

Et c’est bien ce qui m’inquiète, et c’est bien ce qui me tue.

Je n’arrive plus à me tromper moi-même.

Hier soir, je tournais et retournais cette phrase dans ma tête : "Je suis morte il y a trois ans et personne ne s’en est aperçu."

Aujourd’hui, je ne suis pas allée travailler. Je n’y vais pas demain non plus et je me demande sérieusement, une fois de plus, si je dois y retourner un jour. N’y vais-je pas seulement pour me payer ma connexion, mon ordi, ma bouffe, mes livres, mes clopes ? Parfois je pense que non. Parfois, j’y vais avec plaisir et intérêt.

J’ai des envies soudaines de drames et de passions. J’ai vu un film d’Almodovar que je ne connaissais pas encore aujourd’hui. Il me semble que vivre, pour moi, ce n’est que cela.

Je suis plongée dans la bande originale et ça me fait du bien.

Je suis morte il y a trois ans et personne ne s’en est aperçu.

Je suis là, comme une morte vivante, à jouer mon rôle. Et à l’intérieur, c’est mort de mort.

J’ai parfois envie de hurler et de pleurer à m’en étouffer ces derniers jours. Mais les larmes ni les cris ne veulent sortir.

Qu’est-ce que ça changerait que je sois morte ou vive ? Et je m’étais juré de ne plus me poser cette question. Je croyais y avoir répondu pour de bon.

Mais non.

Qu’est-ce que ça change que je continue ou pas ?

Rien.

Et ça m’attriste d’en être revenue là. Ca me désole, même. J’ai tellement lutté pour éviter ça.

Tout ce que je sais, en cet instant précis, c’est que dans une semaine, un mois, un an ou mille, je serai heureuse de vivre à nouveau. Je le sais par expérience. Alors…

Je ne sais pas trop par où commencer pour remonter la pente. Le problème, en réalité, c’est que je n’ai même pas envie de la remonter. J’ai plutôt envie de la suivre, tout doucement, vers le fond.

Je ne sais pas trop par où commencer…