Sous la surface

Racine(s)

Ça fait très longtemps, j’ai l’impression, que je ne suis pas passée par ici.

Des choses à dire, un trop plein d’émotions qui jaillissent à l’improviste et la sensation étrange de ne pouvoir les exprimer qu’ici.

Ce n’est pas faute d’être revenue au papier, non.

Mais ces choses-là ont leur place sur ce journal, parce que je les y ai déjà écrites, décrites, explorées.

Je ne comprends pas d’où vient ce chagrin soudain. Mon cœur se brise et je ne peux que sangloter, fumer, écrire.

Pourquoi je suis si triste ? Je n’en sais trop rien. Enfin, si, je sais : l’idée de ce départ, ce nouveau départ, choisi, bien choisi, en toute conscience, mille fois battu et débattu, pesé, analysé, décortiqué.

Et pourtant…

Comme un désastre, un effondrement, brusque, violent.

Et cette putain d’envie de plonger les mains dans une terre, peu importe où, et me dire qu’elle me relie à quelque chose, que ces petites miettes noires sous mes ongles m’indiquent quelque chose, m’indiquent qui je suis.

Et où j’en suis.

Peut-être ça encore plus que le reste : où j’en suis. Parce que je ne le sais pas vraiment.

Avant j’étais fière d’être cette vagabonde, cette inconnue. Aujourd’hui je sais reconnaître cette arrogance de ceux à qui il manque, fondamentalement, quelque chose d’essentiel. Je l’ai vue chez tant d’autres, déclinée sous tellement de formes, cette morve qui tient l’extérieur à distance, ce morceau de vide à l’intérieur qui nous pousse à faire des choses dont personne, à commencer par nous, ne nous croirait capables.

Ca m’a conduit à me rapprocher de personnes avec lesquelles je n’avais absolument rien en commun, en nous demandant chaque fois ce qui avait pu nous lier. C’était ce manque, oui, ce manque fondamental.

Et à présent que j’ai identifié le mien, que je l’ai accepté comme tel, se pose une question nouvelle et bien angoissante : parviendrai-je un jour à le combler ?

Comment fait-on pour se faire pousser des racines ? Des ailes, ça je sais faire. Mais des putain de racines ?

E.